Quelle « valeur ajoutée » ? !
Juillet 2024
En raison de mes opinions divergentes sur la responsabilité de la direction et la planification de la succession, je démissionnerai du Conseil d’administration à compter du 3 juin 2024.
Nous examinons les changements au sein des conseils d’administration et directions de notre univers d’entreprises chaque semaine. En matière de justifications, la plupart sont, sans surprise, « pour des raisons personnelles ». Par conséquent, le motif ci-dessus, énoncé par Nisa Godrej après avoir démissionné du conseil d’administration d’un fabricant de bagages indien, nous a agréablement surpris par sa franchise. Néanmoins, la seule lecture des lettres de Nisa dans les rapports annuels de Godrej Consumer démontre qu’elle est sans doute l’une des dirigeantes d’entreprise les plus transparentes du pays. On n’en attendrait pas moins d’elle.
Cela mis à part, la plupart des administrateurs indépendants donnent généralement des raisons ambiguës à leur démission, laissant les actionnaires minoritaires dans le flou sur les problèmes réels. L’organisme de réglementation indien des marchés boursiers, le Conseil indien des valeurs mobilières (Securities and Exchange Board of India, SEBI), a changé la donne en exigeant des divulgations plus détaillées sur les démissions de membres clés du personnel (en plus de rendre publiques leurs lettres de renonciation). À l’avenir, si un administrateur ou une administratrice démissionne pour des « raisons personnelles », la personne sera questionnée sur le fait de continuer à siéger à d’autres conseils d’administration. Elle pourra même être empêchée de rejoindre un nouveau conseil d’administration pendant au moins un an, ce qui est assez dissuasif.
Néanmoins, la plupart des démissions d’entreprise continueront d’être des évènements banals. Mais de temps en temps, les actionnaires ont un aperçu des manœuvres politiques qui régissent la dynamique des conseils d’administration dans les entreprises cotées en bourse. Il s’agit souvent d’un marqueur de la culture d’entreprise, qui selon nous, est en soi un facteur déterminant de la performance à long terme de toute société. À notre connaissance, aucun autre marché émergent n’exige ce niveau de divulgation.
Il s’agit en effet d’un thème classique. On peut toujours trouver des lacunes, mais au sens large et par rapport au stade de son développement économique, le système financier indien est en avance lorsqu’il s’agit de protéger les intérêts des particuliers, qu’il s’agisse des investisseurs boursiers, déposants, emprunteurs ou souscripteurs de polices d’assurance. À titre d’exemple, la Reserve Bank of India (banque centrale et organisme de réglementation indien), a récemment commencé à réduire les prêts non garantis secondaires1. En général, lorsque nous constatons de telles actions sur d’autres marchés émergents, les prêts non productifs (Non-Performing Loan, NPL) dans le système sont déjà en hausse et le système bancaire nécessite des mesures de sauvetage. Ici, de tels problèmes n’existent pas. Les ratios de PNP en Inde sont à leur plus bas niveau. Mais l’organisme de réglementation a repéré une pratique malsaine qui, si elle n’avait pas été tuée dans l’œuf, aurait pu potentiellement nuire au système et aux emprunteurs individuels.
De même, l’Autorité de réglementation et de développement des assurances a récemment demandé aux compagnies d’assurance-vie de verser des paiements raisonnables aux clients s’ils souhaitaient racheter une police avant d’atteindre la période d’investissement minimale spécifiée dans leurs contrats2. À l’heure actuelle, les souscripteurs n’obtiennent rien, ou un paiement dérisoire, s’ils interrompent leurs primes. Cela représente une part importante des bénéfices pour la plupart des compagnies d’assurance-vie indiennes, et en réalité, pour de nombreux pairs également dans le monde entier. Le secteur de l’assurance est connu pour être géré pour les agents et les entreprises bénéficiaires. Personne n’a jamais fait pression pour défendre le consommateur. L’autorité de régulation indienne entend faire passer le consommateur de la dernière place à la tête de la file d’attente. Bien qu’il existe peut-être des nuances à ce sujet que nous ne comprenons pas parfaitement, l’intention semble juste, et nous voyons rarement cela dans d’autres juridictions.
Qu’il s’agisse de divulgations et de règles concernant les droits de sortie conjointe, l’indépendance du conseil d’administration, les promesses de parts ou même les données environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), nous sommes souvent agréablement surpris par les événements en Inde. Il est également encourageant de voir les actionnaires profiter des protections qui leur sont offertes. Par exemple, lorsque l’entreprise mère de Nestlé India a récemment proposé d’augmenter la redevance de 4,5 % à 5,25 %, la proposition a dû être votée par les actionnaires minoritaires. 57 % ont voté contre cette décision, ce qui a eu un impact direct sur les résultats futurs de l’entreprise3. Parmi les positions prises par les organismes de réglementation, on peut prendre l’exemple récent des actionnaires minoritaires rejetant une proposition de Linde India qui limitait gravement la portée des opérations de l’entreprise, en privilégiant plutôt celles de Praxair India, étant donné que Linde et Praxair avaient fusionné à l’échelle mondiale. Dès réception des plaintes des investisseurs selon lesquelles Linde India ignorait effectivement le résultat du vote des actionnaires minoritaires, SEBI a nommé un évaluateur indépendant pour vérifier le caractère approprié des transactions des parties liées entre Linde India et Praxair India, en s’assurant que les intérêts minoritaires étaient protégés4.
Nous lisons souvent des informations sur les investisseurs qui s’enthousiasment à l’idée d’un programme de « valeur ajoutée » en Corée, ou similaire au Japon, ou sur ce que les organismes de réglementations pourraient faire en Chine pour y stimuler les marchés boursiers. Dans le même temps, nous sommes constamment interrogés sur les évaluations en Inde des bonnes entreprises gérées par de bonnes personnes, qui sont conscientes du rendement du capital employé et de la bonne gouvernance, et qui sont supervisées par des organismes de réglementation qui prennent de meilleures décisions pour toutes les parties prenantes. Mis à part les évaluations à court terme, nous trouvons le fait de mettre dans le même panier l’Inde et d’autres marchés plus importants de la région, en les comparant dans une même phrase, parfois frustrant et souvent amusant. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas conscients de la réalité : la capitalisation boursière de l’Inde par rapport au produit intérieur brut (PIB), parfois une bonne mesure des valorisations générales, est à un niveau décennal de 150 %5. Plus précisément, nous remarquons que les valorisations de nombreuses entreprises de petite et moyenne capitalisation, et en particulier dans certains secteurs, atteignent un niveau élevé de façon discutable. Mais comme toujours, nous restons prudents. Nous sommes confiants dans la préservation du capital de nos clients pendant les périodes difficiles, mais aussi dans leur croissance régulière sur le long terme.
En conclusion, nous sommes tous confrontés à un choix lorsqu’il s’agit d’investir en Inde et la réponse dépend de nos opinions. L’existence de protections de toutes les parties prenantes mérite-elle une prime ? Une meilleure sensibilisation au capital mérite-t-elle une prime ? Les entreprises maintenant fermement le cap à long terme méritent-elles une prime ? Un pays avec une population jeune, éduquée et ambitieuse, qui s’urbanise à un rythme rapide, mérite-t-il une prime ? Un marché où la démocratie a encore gagné mérite-t-il une prime ? La décision vous appartient...
Source : Les données sur les entreprises sont extraites des rapports annuels des entreprises ou d’autres rapports pour les investisseurs. Les indicateurs financiers et les valorisations proviennent de FactSet et de Bloomberg. * Au 23 janvier 2024 ou autrement indiqué.
Notes de bas de page
1 RBI clamps down on unsecured credit
2 RBI clamps down on unsecured credit
3 Glass Lewis Proxy Voting Advisors
4 Ordonnance provisoire dans l’affaire Linde India Ltd.
5 Base de données de la Banque mondiale (World Bank DataBank) : PIB (USD actuel) – Inde, 2023 ; et BSE Ltd, au 11 juillet 2024
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