Répondre aux préoccupations récentes des investisseurs concernant la Chine

Questions-réponses avec un gestionnaire de fonds - Septembre 2023

Afin de répondre à l’intérêt récent des clients pour le marché boursier chinois et d’expliquer les résultats mitigés enregistrés depuis le début de l’année, nous nous sommes entretenus avec Martin Lau, associé directeur et gestionnaire de portefeuille principal des stratégies FSSA Asian Equity Plus et FSSA China Growth. La discussion s’est déroulée le 23 août 2023.

Pensez-vous que la défaillance de Country Garden aura des répercussions sur d’autres secteurs et entraînera des risques systémiques ? Quels risques et opportunités prévoyez-vous à la suite de cet incident ?

Au-delà du cas particulier de Country Garden, nous pensons que le marché est davantage préoccupé par le nombre croissant de défauts de paiement dans le secteur immobilier, comme cela a été le cas pour Evergrande, Sunac et Shimao au cours des deux dernières années. L’immobilier est un moteur essentiel de l’économie chinoise. Par conséquent, nous nous attendons à ce que la faiblesse actuelle ait un impact négatif. Il y aura des répercussions dans d’autres domaines, notamment celui des banques, de la construction, de l’électroménager et des matériaux de construction. Cela affectera également la richesse personnelle et la demande des consommateurs. Toutefois, nous ne pensons pas qu’il existe un risque systémique, comme ce fut le cas avec Lehman Brothers en 2008, qui a eu un effet domino.

Il y a plusieurs raisons à cela. En Chine, presque toutes les banques sont détenues par le gouvernement. Si ce dernier choisit de transférer la dette, cela peut éviter la faillite de l’entreprise. À moins que le gouvernement ne souhaite une faillite. Lorsque Lehman a fait faillite, le marché s’est demandé où serait le prochain Lehman. À l’instar d’une prophétie auto-réalisatrice, les banques ont eu peur de prêter, ce qui a entraîné une crise financière mondiale. Nous estimons qu’il est peu probable que le même phénomène se produise en Chine aujourd’hui, en raison des niveaux élevés de contrôle et de propriété du gouvernement.

L’autre raison étant qu’il y a très peu de dette étrangère en Chine. La crise financière asiatique de 1997 a débuté en Thaïlande et s’est propagée à plusieurs autres pays, en raison de l’importance de la dette extérieure. En Chine, la majeure partie de la dette est libellée en renminbi, ce qui réduit les risques de contagion au niveau mondial. Plus de la moitié des sociétés immobilières privées ayant contracté d’importantes dettes en dollars américains ont déjà fait défaut.

Dans une certaine mesure, nous pensons que le gouvernement chinois souhaitait que cela se produise. En effet, les défaillances étaient auparavant très rares, ce qui avait entraîné un certain aléa moral et des emprunts excessifs. Le gouvernement se concentre désormais sur une croissance qualitative et s’éloigne de l’ancien modèle qui reposait fortement sur les biens et la dette. Nous nous attendons à ce que cette période d’adaptation implique des ajustements et des aménagements.

À ce jour, notre préférence pour la qualité et la prudence a contribué à préserver le capital. Nous n’avons jamais investi dans des entreprises comme Country Garden, Evergrande et Shimao, car nous pensions qu’elles étaient trop agressives. Les quelques actions immobilières que nous détenons, principalement dans China Resources Land (CR Land) et China Overseas Grand Oceans, ont été relativement résilientes. La consolidation est susceptible de se poursuivre et elles devraient en bénéficier. Country Garden et Evergrande étaient bien plus importantes que CR Land, de sorte que leur retrait du marché en raison d’un manque de financement devrait offrir à CR Land davantage de possibilités d’acheter des terrains et des projets à des prix inférieurs.

La demande intérieure est considérée comme un facteur clé de la croissance économique en Chine. Cependant, nous constatons que le chômage reste élevé et que la confiance des consommateurs se teinte de pessimisme. Avez-vous modifié vos positions principales dans les secteurs de la consommation ? Voyez-vous de nouvelles opportunités découlant de l’évolution démographique ?

Les entreprises nous disent que la croissance a ralenti dans l’ensemble, et cela est également vrai pour la demande des consommateurs. Mais nous pensons que la tendance à long terme en matière d’amélioration de la consommation reste intacte. Elle reste un moteur structurel clé qui se reflète dans nos portefeuilles. Nos principaux titres, tels que China Mengniu Dairy, Anta Sports, China Resources Beer (CRB) et Midea, n’ont pas varié et nous sommes toujours convaincus du bien-fondé de ces investissements. Ces sociétés présentent les signes de qualité que nous recherchons, tels que des finances solides, une croissance régulière par rapport à leurs homologues, la génération de flux de trésorerie et la premiumisation.

Lorsque la plupart des investisseurs sont négatifs à l’égard de la Chine, il est peut-être temps d’acheter davantage, et c’est ce que nous avons fait pour nos principaux titres. Nous estimons qu’à long terme, les cours des actions suivent la croissance des bénéfices. Anta a annoncé une forte augmentation de son bénéfice au premier semestre, soit plus de 30 % en glissement annuel, ce qui a fait bondir le cours de l’action. L’entreprise a de bons antécédents en matière de création de marques à succès et de conquête de parts de marché. Entre-temps, CRB a enregistré une croissance d’environ 4 à 5 %, tant en termes de volume que de prix de vente, au cours du premier semestre de cette année. Ses produits haut de gamme ont connu une croissance plus rapide, avec une augmentation de près de 60 % en volume pour la bière Heineken.

Il s’agit là de quelques exemples de bénéfices tirés de la consolidation du secteur et de la premiumisation. Nous espérons que les sociétés dans lesquelles nous investissons continueront à augmenter leurs bénéfices sur le long terme.

Les nouveaux prêts ont chuté et la croissance du crédit s’est affaiblie au troisième trimestre. Pensez-vous que cela aura un impact sur la croissance et les perspectives de bénéfices des entreprises chinoises ? Cela aura-t-il une incidence sur les dépenses de R&D de la Chine et sur ses progrès en termes de montée en puissance de la chaîne de valeur ?

Nous pensons que la faible croissance du crédit est un indicateur concomitant qui reflète la faiblesse de l’économie, plutôt qu’un moteur ou un indicateur avancé. Lorsque la confiance est faible, les gens n’achètent pas de maisons, mais paient leurs prêts hypothécaires existants, et les banques hésitent à prêter, car les grands promoteurs tendent à ne pas respecter leurs engagements. Au cours des cinq dernières années, il a fallu davantage de prêts pour générer chaque unité de croissance du PIB. Cette situation a probablement inquiété le gouvernement en montrant les limites de l’influence du crédit sur l’économie.

Par ailleurs, les investisseurs sont aujourd’hui préoccupés en constatant les limites de ce que le gouvernement chinois peut faire ou est prêt à faire. L’économie est devenue très endettée et de nombreuses entreprises rencontrent des problèmes. Dans ce contexte, il est probable que la Chine se désendette lentement au fil du temps, de sorte que la croissance des prêts pourrait rester faible et que la croissance des bénéfices à court terme des entreprises serait également affectée.

Les entreprises vont probablement réduire leurs activités de recherche et développement (R&D) à mesure que les revenus diminuent. Toutefois, nous privilégions les entreprises qui investissent davantage dans la R&D, telles que Shenzhen Mindray, qui a été en mesure de développer de nouvelles activités telles que les endoscopes et les appareils d’anesthésie. Souvent, il s’agit plutôt d’apporter des améliorations progressives aux produits ou processus existants que de disposer des technologies les plus avancées. À titre d’exemple, nous possédons quelques entreprises engagées dans la modernisation industrielle, comme Shenzhen Inovance. Auparavant, celle-ci consacrait plus de 12 % de son chiffre d’affaires à la R&D. Aujourd’hui, ce chiffre se situe plutôt entre 9 et 10 %, ce qui reste élevé. Elle s’est progressivement hissée au sommet de la chaîne de valeur. Il en va de même pour Shanghai Hanbell, qui fabrique des pompes à vide. Cette société a commencé par cibler les climatiseurs, puis l’énergie solaire et maintenant les semi-conducteurs.

Nous privilégions également les entreprises capables de se développer à l’étranger, telles que Mindray, Haitian International et Midea, car c’est un autre signe de leur progression dans la chaîne de valeur. Nous considérons que lorsque l’économie nationale est faible, une bonne entreprise peut trouver de la croissance sur d’autres marchés. Nous avons vu cela au Japon, avec des entreprises comme Fast Retailing (Uniqlo), Toyota, Sony et Nintendo.

Il existe des parallèles entre l’expérience du Japon et celle de la Chine, comme le vieillissement de la population et le ralentissement de l’économie. La différence réside dans le fait qu’il est beaucoup plus difficile de se lancer dans la mondialisation aujourd’hui qu’il y a 30 ans. Les vents contraires géopolitiques sont plus forts actuellement, comme l’illustrent les mesures prises par les États-Unis pour mettre un terme à l’expansion mondiale de Huawei. Et la Chine manque de main-d’œuvre, donc, indépendamment de la géopolitique, elle a besoin de transférer sa production vers l’extérieur. 

Les stratégies China Growth et Asian Equity Plus ont enregistré des baisses plus importantes que le marché depuis le début de l’année 2023. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous pensez que le portefeuille semble moins résilient cette année ? Quelles mesures avons-nous prises pour atténuer les risques ? De nouvelles opportunités qui vous rendent enthousiaste ?

Chez FSSA, nous avons toujours été des investisseurs indépendants de l’indice de référence à long terme, nous nous concentrons sur les rendements absolus. Or, compte tenu de notre horizon à long terme, nous estimons également que la période écoulée depuis le début de l’année est trop courte pour tirer des conclusions. Nous pensons que les entreprises et leurs performances doivent être évaluées sur une période d’au moins 3 à 5 ans, voire plus.

Cela étant, notre écart par rapport à l’indice depuis le début de l’année s’explique en grande partie par ce que nous ne détenons pas. La baisse du marché a été largement alimentée par les investisseurs étrangers, de sorte que les actions les plus répandues ont chuté davantage, tandis que les actions sanctionnées par les États-Unis, telles que China Mobile et CNOOC, se sont mieux comportées, mais nous n’en possédons pas. En outre, cette année, le marché a privilégié les entreprises d’État bon marché (faible rapport prix/valeur comptable) en raison de l’optimisme suscité par les réformes. 

Les actions de notre portefeuille sont de meilleure qualité, mais moins bon marché. Par exemple, la China Merchants Bank a baissé davantage depuis le début de l’année que les banques d’État de moindre qualité telles que l’Agricultural Bank et la Bank of China. En termes de performance de notre stratégie régionale, le thème principal de cette année a été l’intelligence artificielle (IA) et nous détenons peu de logiciels ou d’entreprises liées à l’IA par rapport à certains de nos pairs.

Nous pensons que le sentiment des investisseurs est très fragile. De nombreuses entreprises ont récemment publié leurs résultats, et leurs actions chuteront souvent par la suite, même si les résultats sont satisfaisants. L’autre risque est l’incertitude qui entoure le soutien des pouvoirs publics. Les mesures anticorruption, comme celles que nous observons dans le secteur des soins de santé, ont tendance à être négatives pour la croissance économique à court terme, même si elles peuvent être positives à plus long terme. 

Nous essayons d’atténuer les risques en choisissant des entreprises de qualité, dotées d’une situation financière solide et d’un environnement concurrentiel favorable, et en les conservant à long terme.  Lorsque la performance est sous pression, la solution n’est pas, selon nous, de reconstituer l’ensemble du portefeuille, mais de suivre notre conviction. Nous estimons que le sentiment du marché est cyclique, mais que les bénéfices constituent un moteur structurel du cours des actions. Malgré le pessimisme ambiant, nous avons renforcé nos positions les plus importantes dans tous les domaines. 

Source : Les données sur les entreprises sont extraites des rapports annuels des entreprises ou d’autres rapports pour les investisseurs. Les indicateurs financiers et les valorisations proviennent de FactSet et de Bloomberg. Au 23 août 2023, sauf mention contraire.

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